J’ai beaucoup parlé d’affaires locales, ces derniers temps. Campagnes municipales et cantonales obligent.Cependant, les élections passées à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, partout dans le pays, les élus et les militants de gauche ne vont pas avoir le temps de souffler bien longtemps, car ils vont être confrontés dans les semaines qui viennent à des événements dont – trop occupés à nos affaires locales – il me semble que l’on n’a pas encore bien pris toute la mesure…

 

Connaissez-vous la Bear Stearns Company ?

 

 
Jusqu’à il y a quelques jours, il s’agissait de l’une des plus grandes banque états-uniennes d'investissement, d'échange de valeur mobilière. C’était une vieille maison, puisqu’elle a été fondée en 1923 par messieurs Bear et Stearns et sa clientèle était fidèle, composée de particuliers, mais surtout d’entreprises et de diverses institutions gouvernementales. Basée à New-York, cinquième banque de Wall Street, la Bear Stearns employait début 2008 plus de 15 500 personnes à travers tous les Etats-Unis, et dans le monde entier.

 
Une vieille maison, et solidement implantée dans le paysage radieux du capitalisme financier transnational, puisque le magazine Fortune lui décernait l’an dernier le titre de « plus admirable » (most admired) société de valeurs mobilières, reconnaissant le talent des employés, la qualité de la gestion et de l'innovation.

 
Oui, mais voilà… les Etats-Unis sont frappés depuis des mois par la crise dite des subprime, cette petite merveille financière qui a conduit des dizaines de milliers de ménages modestes à se surendetter auprès des banques sur des prêts immobiliers à hauts risques pour acheter leur maison… pour ne plus parvenir à payer les taux d’intérêts variables qui ont flambé, et finalement pour se faire saisir tous leurs biens.

 
C’est un système qui s’effondre. Ce sont avant tout des dizaines de milliers de personnes qui se retrouvent sur le carreau, comme d’habitude, mais cette fois-ci, c’est tout le système financier qui s’est littéralement goinfré de cette bulle spéculative sur l’immobilier qui se trouve aujourd’hui sur le point d’imploser.

 
La Bear Stearns dont valeur boursière s'élevait encore à plus de 3,5 milliards de dollars au début du mois de mars a publié vendredi 14 mars 2008 des résultats catastrophiques liés aux subprime. Immédiatement, la valeur s’est effondrée à la bourse. Un plan de financement d'urgence a très vite été accepté par la Réserve fédérale des Etats-Unis (c'est-à-dire la banque centrale) qui a accepté de «financer jusqu'à 30 milliards de dollars d'actifs moins liquides de Bear Stearns», c'est-à-dire ses actifs les plus longs à vendre… C'est-à-dire que ce sont les contribuables qui vont devoir payer l’ardoise !

 
JP Morgan, une banque concurrente, a annoncé le 16 mars 2008 l'acquisition de Bear Stearns à 2 dollars l'action (réévalué finalement à 10 suite à la garantie de la FED), alors qu’elle en valait 130 en octobre 2007 !

 

Une valeur qui passe de 130 à 2 dollars en quelques heures !

Voilà la crise financière qui va inévitablement se poursuivre et s’accentuer dans les mois qui viennent. Et provoquer une véritable crise économique mondiale, avec d’autres éléments qui vont s’ajouter à la seule situation interne aux Etats-Unis : notamment le refus de la Chine de poursuivre le rachat de la dette états-unienne ; l’effondrement du dollar comme monnaie de référence internationale ; l’asphyxie des exportations de l’Union Européenne avec un Euro surévalué, l’arrivée à terme d’un grand nombre de fonds de pensions aux Etats-Unis…

 


Et en France ?
 

Le gouvernement français ment d’une manière éhontée depuis des mois en prétendant que notre système bancaire serait préservé du raz de marée des subprime et en annonçant des taux de croissance de l’économie totalement fantaisistes. Notre pays va à la crise. Et cette crise va frapper durement les salariés.

 
La gauche doit répondre à cette situation. Aujourd’hui, elle ne dit rien. Je parle du Parti Socialiste surtout, puisque l’autre gauche parle, mais son éparpillement la prive des moyens de se faire entendre. Le PS, lui, se dégrise à peine de l’ivresse trompeuse des résultats aux municipales et on se passionne déjà pour des questions aussi fondamentales que « qui sera candidat en 2012 ? » ou « qui sera 1er secrétaire en septembre 2008 ? ».

 

Qui ? C'est sans doute très important... surtout pour un parti français qui compte dans ses rang d'illustres dirigeants des principales institutions financières internationales ! Mais pour quoi faire ?


Ne faudrait-il pas qu'au grand jour, alors que des millions de nos concitoyens nous interrogent, cherchant dans nos débats les moyens de se défendre et d'agir, ne faudrait-il pas que la Gauche s'applique avant tout à répondre à la seule question qui se pose aujourd’hui : doit-on se contenter d’accompagner ce capitalisme en crise qui va accélerer le saccage des acquis sociaux et la dévastation des ressources naturelles ? Ou doit-on proposer un autre chemin ?

Le parti socialiste va tenir son congrès en novembre et commence ses débats dès le mois de juin. Le parti  communiste prépare le sien qui aura lieu en décembre . Quelle extraordinaire occasion de répondre avec force à cette question.

 

Vite, que ces congrès commencent ! Que la gauche se range en ordre de bataille.


Pour ceux qui, comme moi, sont investis dans le parti socialiste, le débat a d'ailleurs déjà commencé. Voir ici le texte des militants de Trait d’Union.

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