Logo m6repDans ce billet, je vais dire pourquoi et comment je rejoins le Mouvement pour la 6e République lancé à la rentrée par Jean-Luc Mélenchon. Mais avant cela, je vais parler des derniers événements survenus dans l'affaire du cumul des mandats à Montreuil.

Mon avis est que ces deux sujets sont intimement liés l'un à l'autre.

 

Le cumul des mandats à Montreuil fait la Une du journal !


Mardi 16 septembre, Le Parisien a titré sa Une sur quatre colonnes ainsi : Pourquoi Bessac s'accroche-t-il au conseil régional ?


Dans cet article très bien informé, on peut y lire des choses que les lecteurs de ce blog savaientBessac déjà depuis quelques mois, au sujet des promesses non tenues et des engagements sans suite du nouveau maire de Montreuil. Mais l'enquête du journaliste nous apporte des détails très éclairants sur une des conséquences du cumul des mandats dans l'activité des élus. Ainsi, on apprend que depuis qu'il a été élu à la mairie de Montreuil en mars 2014, le conseiller régional Patrice Bessac "n'a assisté à aucune des commissions du sport et des loisirs [dont il est secrétaire], ni à la dernière assemblée plénière" bref, "il n'a [plus] guère fréquenté l'assemblée [régionale] depuis qu'il est maire."


De mon côté, j'ai pu obtenir des informations au sujet de la fréquence des participations, en tant que représentant du conseil régional,  de Patrice Bessac dans les conseils d'administration de certains lycées, lycées professionnels, centres universitaires et divers organismes qui dépendent de la région (dont on peut trouver la liste complète ici). Globalement, le constat est le même ! Aucune nouvelle de l'élu de référence depuis des lustres (parfois depuis bien avant mars 2014... mais je n'aurai pas l'indélicatesse de révéler depuis quelle date !). Seules (rares) exceptions : quelques établissements de... Montreuil, évidemment. Mais l'action d'un conseiller régional de la première région de France peut-elle à ce point être réduite au périmètre d'une seule ville, fut-elle Montreuil ? Dommage pour les lycées du Blanc Mesnil, et pour tous les organismes d'intérêt public (santé, environnement, emploi...) où l'édile devrait siéger, mais qui ont le mauvais goût d'avoir leurs locaux loin de Montreuil.


En lisant attentivement l'article du Parisien, on voit d'ailleurs bien comment Patrice Bessac se fourvoie dans cette confusion des genres propre aux élus cumulards.


Ainsi, après avoir promis de démissionner "avant l'été", puis "pendant l'été", puis "après que j'aurai bouclé mes dossiers en cours", puis "une fois que j'aurai réglé les problèmes d'équipe" (voir les vidéos mises en ligne ici), voilà qu'il explique au Parisien qu'il ne peut pas démissionner avant d'avoir rencontré Jean-Paul Huchon "pour évoquer des dossiers importants, comme le parc Montreau à Montreuil, ou le financement de l'extension de la ligne 11, ou le tramway T1 qui concernent Montreuil".


Se rend-il compte qu'en disant cela il justifie grossièrement le cumul des mandats, laissant entendre qu'un simple maire d'une ville de 100.000 habitants ne peut pas obtenir de rendez vous avec Monsieur Huchon et que pour aborder les problèmes de sa ville, il est indispensable d'avoir ses entrées au conseil régional... bref, que le cumul des mandats est nécessaire à la bonne marche des dossiers ?


Keita.gifAssouline.jpgSe rend-il compte qu'en disant cela, il méprise et ridiculise ses deux adjointes à la mairie de Montreuil, Djeneba Keita (adjointe PCF au développement de la vie économique, de l'emploi et de la formation professionnelle) et Tania Assouline (adjointe PS à démocratie locale et vie des quartiers), toutes deux aussi montreuilloises que lui, et... élues au conseil régional d'Île-de-France ? Ne sont-elles pas capables à ses yeux de rencontrer Jean-Paul Huchon pour défendre les intérêts des Montreuillois, embellir le Parc Montreau, et obtenir l'extension du réseau de transport collectif ?


Se rend-il compte enfin qu'en disant cela, il participe à sa façon au rabougrissement de l'horizon politique d'une 5e République agonisante qui disqualifie l'implication citoyenne à tous les niveaux de la vie publique, et préfère glorifier les notables locaux, les bons et sages élus de "proximité" inventés par Jean-Pierre Raffarin il y a une dizaine d'années ? Ces  petits barons qui sont prêt à cumuler tous les postes locaux, régionaux ou nationaux pour "maîtriser les dossiers" et ne se concentrer au fond que sur une seule chose : faire ce qu'il faut à la plus petite échelle pour plaire au bon peuple et avoir l'assurance d'être réélu au prochain coup.


Pour en finir avec les enseignements de cet édifiant article du Parisien, il faut aussi noter avec quel mépris Patrice Bessac choisit de considérer l'action citoyenne, qui - en l'espèce - se bornait à lui rappeler ses propres promesses. Ainsi, répondant au journaliste lui demandant dans quel délai il remettra sa démission au conseil régional, il assène "c'est moi qui fixe mon propre calendrier, les trépignements des uns et des autres ne m'intéressent pas".


Décidément, mardi dernier, c'était le temps des coups de mentons et des claquements de bottes, à l'Assemblée Nationale avec Manuel Valls, ou à la Mairie de Montreuil. Silence dans les rangs ! C'est moi le patron ! Je ne pense pas que ce genre d'autoritarisme méprisant impressionnera les uns et les autres...


En tout cas, le message est clair et je l'ai bien compris : Patrice Bessac ne rendra pas son mandat de sitôt. Ainsi va la vie politique sous cette 5e République malade jusqu'à l'os. Montreuil en est un symptôme et je crains que je ne pourrai pas faire beaucoup plus pour changer les choses ici.


Bon... Et si on s'attaquait à la maladie ?

 

Pour une 6e République ? Chiche !


Ainsi, Jean-Luc Mélenchon a lancé à la rentrée son mouvement pour la 6e République.


Son mouvement, dis-je. Car pour le moment, je ne voit pas comment on peut l'appeler autrement. Avant de dire ce qu'en j'en pense, je rappelle que j'ai été pendant près de 12 ans de ma vie dans l'entourage très proche de Mélenchon, membre de son cabinet ministériel en 2000-2002, élaborant avec lui pendant les années 2000 dans diverses structures les NV PG 2009orientations et les stratégies qui prépareront la fondation du Parti de Gauche (la photo ci-contre a été prise en janvier 2009 lors du congrès de fondation du PG), le Front de Gauche et plus tard l'aventure de 2012. Ejecté brutalement en 2010 d'un système auquel je m'identifiais complètement, j'ai connu une période de burn-out dont je suis heureusement (très heureusement !) sorti. J'ai pris énormément de distance avec le milieu militant et avec ce type d'engagement partisan. Pour autant, je n'ai jamais perdu ni mon intérêt pour la chose publique, ni la réelle affection que j'ai pu ressentir pour ce personnage étonnant qu'est Mélenchon, et je ne peux m'empêcher d'être à l'affût de chacune de ses interventions - tellement salutaires - dans le débat public. Je suis fidèle...


Aussi, du fond de ma retraite, j'ai lu avec beaucoup d'enthousiasme à la fin de l'été 2014 comment mon vieil ami semblait enfin tirer avec lucidité le bilan très contrasté des années précédentes. Je l'ai entendu exprimer sa lassitude pour les combinaisons politiques entre des appareils sclérosés. Je l'ai vu abandonner la présidence du Parti de Gauche pour s'éloigner des intrigues et des calculs auxquels ce petit parti n'a pas échappé dès sa naissance. Je l'ai écouté dire qu'il parlerait moins mais mieux dans les médias. Je l'ai entendu affirmer - avec tout le talent qu'on lui connaît - son amour pour la République et l'impérieuse nécessité de se concentrer sur l'œuvre de salut public qui précède toutes les autres dans l'action citoyenne : changer de République pour permettre le retour de la souveraineté populaire et de l'intérêt général.


Quel soulagement !


Et je me suis dit que, peut-être, un bonhomme comme moi, un peu irrité par les expériences passées, un peu éloigné des logiques partisanes, pourrait retrouver une place dans un vaste mouvement citoyen mobilisé pour inverser le cours désespérant de l'histoire !

D'autant que Jean-Luc Mélenchon n'est ni le seul ni le premier à affirmer vouloir briser le cadre et à appeler à une 6e République.


Bayou-Joly.jpgJ'ai aussi lu, cet été, l'excellente tribune publiée dans Libération le 22 août par Eva Joly et Julien Bayou d'EELV, appelant les responsables de l'autre gauche (celle qui se distingue du socialisme gouvernemental) à dépasser leurs combinaisons habituelles pour se donner les moyens de prendre en charge la direction de la gauche et du pays, en soulignant que "l’une des clés de cette coalition est un point d’accord fort entre nous : la nécessité de changer les institutions pour une sixième République qui rende le pouvoir aux citoyens".


Alors je me suis demandé comment rejoindre cette dynamique, et y prendre ma place, d'autant que la situation dans laquelle je me retrouve depuis mars 2014, et l'action citoyenne engagée pour exiger d'un élu de gauche le respect de la parole donnée est totalement en phase avec ce combat pour une 6e République !


Conformément à son caractère volontariste, c'est Jean-Luc Mélenchon qui est le seul pour l'instant  à offrir une structure à caractère public. Très bien. Il faut bien commencé par un bout. Pourquoi pas celui là ?


Hélas, le dispositif mis en place m'a quelque peu refroidi.  


Je m'explique. La première chose qui dérange, c'est cette personnalisation assez déconcertante du mouvement dans  les déclarations de Jean-Luc Mélenchon et qu'on peut lire dans son blog. Je suis prof de français, et c'est sans doute une déformation professionnelle de repérer dès la première lecture d'un texte la situation de communication (comme on dit dans notre jargon) mise en place à partir des pronoms personnels. Ainsi, dans le Post du 11 septembre 2014.


[...] Je veux y consacrer mes efforts. [...] Je prends l'initiative et je dispose, pour la conduire, de bien des moyens que me donnent ma propre audience et celle des camarades qui décideront de partager cette tâche avec moi. [...] Je vais donc procéder par étapes dans la création du mouvement [...].  J'ai choisi cette méthode [...] Je n'en dis pas plus pour aujourd'hui. [...] À mesure des étapes je donnerai ici des informations sur le déroulement de l'action.   


J'ai coupé le texte, beaucoup, en signalant les coups de ciseaux par des [...] et je sais que ce que je présente exagère le phénomène. Je sais que la forme du blog privilégie le "je". J'invite mes lecteurs à aller lire le blog qui dit bien d'autres choses intéressantes. Mais tout de même, ces pronoms, ces verbes, ces tournures de phrases ?!...


Je trouve troublant, comme point de départ pour la constitution un collectif citoyen, d'accorder tant de place à la première personne - celle de l'initiateur - même si celui-ci affirme vouloir la "transmission du pouvoir d'initiative au grand nombre qui décidera de s'impliquer dans ce réseau". A laquelle des  "étapes", annoncées dans la dernière phrase citée, les citoyens engagés dans le mouvement auront-ils une vue générale sur le "déroulement des actions" auxquelles ils se sont engagés ? Paradoxalement, un des slogans du m6rep invite à "ne pas attendre les consignes"... c'est parfait ! Oui, mais voilà qu'à "mesure des étapes", pour le moment, il faudrait attendre celles d'un seul homme ?

 

L'autre aspect qui dérange, c'est le dispositif d'adhésion au Mouvement pour la 6e République. Ci-dessous, la page d'accueil du m6rep. Très belle mise en page. Joli travail graphique. Minimaliste et efficace : elle donne seulement accès à trois rubriques : je signe, j'aide, je partage. De la belle ouvrage.

 

Page-accueil-m6rep.jpg

 

Oui mais...


Qui administre ce site ? A qui sont envoyées mes coordonnées quand je remplis le formulaire je signe ? Qui reçoit, classe, sélectionne, hiérarchise mes propositions quand je remplis le formulaire j'aide ?


Reflexe de prof sourcilleux, encore ? Peut-être : lorsque j'enseigne à mes élèves quelques rudiments méthodologiques pour une utilisation lucide des outils de recherche et de documentation sur internet, un des premiers "commandements" que je leur édicte est : "si un site n'a pas d'adresse postale, ni de téléphone, s'il n'a pas de nom de responsable ou d'administrateur, bref... si un site est anonyme, alors DANGER !"


Lorsqu'on clique sur "contact" sur la page d'accueil, voilà ce qui apparaît...

 

Contact-m6rep.jpg

 

C'est un peu court. Hélas ! Si ce site n'évolue pas, et si une telle méthode doit se poursuivre, aucun de mes élèves ne participera jamais à la Constituante pour la 6e République, suivant ainsi mes instructions pédagogiques !!! Ca serait dommage...

 

Enfin, la dernière chose qui me turlupine, c'est ce sentiment confus que tout ça ressemble un peu aux "structures élargies" que les organisations trotskystes constituaient dans les années 1970 (eh oui, on vieillit) sur des thèmes ou dans des secteurs particuliers pour lancer des filets de recrutements vers le "centre", c'est à dire vers le parti révolutionnaire. Pour parler plus "moderne" : je pense que le fishing en politique est aussi détestable que celui qui vient dix fois par jour dans nos messageries pour nous proposer de changer de portable ou de fenêtre ! Et cela me froisserait que la belle idée de la Constituante pour la 6e République soit réduite à cela.


Mais je suis sans doute parano...


C'est ce que me disent mes amis. Alors chiche. On va voir ce que ça donne. Aujourd'hui, en direct, je décide de faire confiance, et d'adhérer au Mouvement pour la 6e République. Et le premier des actes que je pose dans la dynamique de changement des institutions et des pratiques politiques, c'est de poursuivre et d'amplifier la bataille dans laquelle je me suis engagé contre le cumul des mandat.


 Je remplis donc le formulaire "je signe" ainsi :


 

Je signe


Et je remplis le formulaire "j'aide" ainsi.

 

j-aide.jpgLe texte écrit sur le formulaire dit ceci :


Pour une 6e République : Lutter dès aujourd'hui, partout et à tous les niveaux contre le CUMUL DES MANDATS, pour l'ETHIQUE EN POLITIQUE et pour le RESPECT PAR LES ELUS DE LA PAROLE DONNEE. Je vous informe que j'ai déjà initié une série d'actions sur ces thèmes à l'échelle locale en attirant l'attention sur les promesses non tenues d'un élu cumulard. Ces actions ont été largement reprises par la presse, en dépit d'une certaine "Omerta" mise en place par les appareils politiques impliqués dans cette municipalité, et l'opinion publique aura ainsi été utilement informée de cette situation, la préparant sans doute à recevoir favorablement le projet d'une Constituante et d'une République plus transparente. Je suis disposé, dans le cadre du m6rep, à partager mon expérience avec toutes celles et tous ceux qui voudraient poursuivre et élargir ce type d'initiative partout où de tels problèmes se posent. Fort de mon expérience, je suis également prêt à prendre en charge l'animation d'une commission nationale dans le cadre du m6rep afin de réfléchir collectivement à ces questions liées au rôle des élus locaux dans la République, et nourrir ainsi les travaux de l'Assemblée Constituante.


Voilà... c'est envoyé !


J'attends maintenant les réponses de mon nouveau mouvement, et je vous tiendrai informés - chères lectrices et chers lecteurs - des suites.

Retour à l'accueil