On ne peut pas dire que les tenants de la gauche unitaire à Montreuil ont été particulièrement ménagés par la presse depuis trois mois. Dominique Voynet a beaucoup profité de la gourmandise des éditorialistes à propos des divisions de la gauche dans la Seine-Saint-Denis. Avec ou sans arrière pensée favorable à la droite, la presse a largement relayé "l'audace" de cette sénatrice verte osant s'attaquer à un "bastion communiste". Et il faut reconnaître à cet équipage un certain talent dans la mise en scène des "rebondissements", notamment dans le registre de la transgression : les dissidences des uns, les ralliements des autres, les méchants appareils politiques contre les courageux militants "de terrain", sans oublier le soutien de grande personnalités du show-biz.... et toujours cette hyper-personnalisation sur Jean-Pierre Brard, faisant passer la forme (l'âge du capitaine, la façon de gouverner la ville) devant le fond (quel bilan, quel programme ?). La transgression, c'est tellement moderne. Alors que le respect des règles dans les relations de la gauche, c'est tellement archaïque.

On ne compte plus les articles de presse qui ont décliné cet angle d'attaque depuis le mois d'octobre avec des titres toujours très objectifs dont voici un petit échantillon : "le système Brard, La tentation populiste" ;  "Voynet met du suspense à Montreuil la rouge" ; "Le PS lâche Dominique Voynet au profit de Jean-Pierre Brard à Montreuil" ;  "Voynet défie Brard dans un scrutin serré"... etc... etc...

Cette campagne de presse a incontestablement interpellé pas mal de montreuillois et suscité une certaine curiosité. Mais l'accumulation des surprises ne fait pas un programme... et les électeurs montreuillois ne sont pas moins éduqués qu'ailleurs en politique : ils lisent les tracts et les professions de foi avant de voter, ils comparent, et ils savent regarder un peu plus loin que leur petit intérêt personnel.

Et les dernières semaines - les derniers jours surtout - de la campagne municipale à Montreuil ont fait apparaître clairement un état d'esprit de l'électorat de gauche que l'on trouve partout ailleurs, et qui veut que les gens vont utiliser dimanche leur bulletin de vote dans deux intentions : au niveau local, choisir la meilleure équipe pour gérer leur quotidien ; et au niveau national sanctionner la politique de Sarkozy. Or, à Montreuil, le bilan de la municipalité de gauche sortante est très honorable, les propositions de la liste de rassemblement de la gauche avec Jean-Pierre Brard sont ambitieuses et crédibles, et l'orientation politique clairement affirmée pour une opposition frontale contre la droite ne fait aucun doute. On ne peut pas en dire autant des méthodes et des propositions de la coalition hétéroclite réunie autour de Dominique Voynet.

Les discussions avec les citoyens montreuillois sur les marchés, aux bouches de métro, dans les réunions de quartier, ont révélé d'une façon évidente la prise de conscience qui devrait se réaliser dimanche au premier tour. Pourquoi dénigrer ainsi avec tant de véhémence la gestion de cette ville de gauche ? A quoi bon cette empoignade à gauche provoquée par les Verts ? A qui cela va profiter ?

Et il n'y a pas que les gens dans la rue qui réalisent les enjeux de cette élection à Montreuil. Ci dessous une dépêche AFP qui tranche nettement avec le traitement médiatique qui précédait. Beaucoup plus équilibrée, cette dépêche se conclut sur une cruelle réalité : la liste Voynet compte sur l'électorat de droite pour arbitrer un deuxième tour. Cet aveu éclaire d'un jour nouveau toute la stratégie préparée depuis des semaines. Ca aussi, les électeurs de gauche le réalisent brutalement.



Municipales: duel à gauche à Montreuil, Voynet l'audacieuse mise sur un rejet de Brard

Il est dans la place et peut afficher le soutien des partis de gauche, elle fédère ses détracteurs et incarne le renouveau: Dominique Voynet, audacieuse outsider (Verts) du maire de Montreuil Jean-Pierre Brard (app-PCF), espère surprendre.

Dans cette ville de Seine-Saint-Denis dirigée depuis 24 ans par M. Brard, une forte tête, où Ségolène Royal a réalisé le 6 mai 2007 l'un de ses plus hauts scores (67,66%), la bataille municipale se passe à gauche.

Dans la profusion de listes (huit), cinq se revendiquent à gauche et deux prétendent incarner le rassemblement: "Montreuil en plein élan", du député-maire sortant, soutenue notamment par PS, PCF et PRG, et "Montreuil vraiment", emmenée par la sénatrice de Seine-Saint-Denis et son équipe de "citoyens vraiment de gauche".

Jean-Pierre Brard, 60 ans, se présente pour un cinquième "et dernier" mandat à Montreuil, première ville du département (100.000 habitants). Il répète qu'il "n'a pas d'adversaire à gauche" et affiche sa "sérénité" face "aux diviseurs", alors que la campagne a fait éclater les rangs socialistes.

"Mme Voynet serait dangereuse alors qu'à la présidentielle de 2007, elle a fait ici 2%?", ricane-t-il. Feignant d'ignorer sa rivale, Brard s'est posé en "rempart" face à Nicolas Sarkozy.

Le PS a reconduit son alliance, "parce que Montreuil est une ville de résistance qui agit pour protéger les citoyens de la politique du gouvernement", justifie Nicolas Voisin (PS), adjoint au maire, candidat sur la liste Brard.

Elle, 49 ans, ancienne ministre, galvanisée par ses soutiens, dont le chanteur Sanseverino, surfe sur le rejet du "système Brard".

Mme Voynet dénonce une pratique du pouvoir "autocratique", agressive - "tout ce qui peut faire un peu d'ombre est éradiqué" - et clientéliste - "Brard, c'est le maire qui paie des pots".

"Si être autocrate, c'est réserver un temps à la réflexion, puis décider, alors ma ville est dirigée, c'est clair", répond Jean-Pierre Brard.

M. Voisin épingle Mme Voynet "et sa coalition électorale d'aigris et d'aventuriers opportunistes". Ils ont "réduit leur campagne à un enjeu hyper personnalisé", regrette le socialiste.

Alors qu'il défend "le beau bilan de la majorité sortante", Mme Voynet affirme qu'elle "réparera la fracture entre +le haut+ et +le bas+ Montreuil" et pointe "l'endettement de la ville, deux fois supérieur aux villes de taille équivalente".

Etablie depuis cinq ans à Montreuil quand Brard est membre du Conseil municipal depuis 1971, Mme Voynet est étiquetée "candidate en résidence à Montreuil".

Ses adversaires raillent son côté "bobo". Profitera-t-elle du vote de ces électeurs, souvent jeunes Parisiens, récemments installés?

A la dernière municipale, les Verts avaient totalisé 28,76% au second tour dans une quadrangulaire. La droite divisée (l'UMP Aminata Konaté affronte une liste dissidente) offre cette fois à Mme Voynet la possibilité d'un duel.

"La probabilité qu'aucune liste de droite ne franchisse le premier tour est redoutée par Brard", affirme Manuel Martinez, maire-adjoint rallié à Mme Voynet et exclu du PS.

Mme Voynet "spécule sur les reports de droite", "c'est très moyen quand on est de gauche", répond Brard.

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